Chat et chauves-souris...
Deux études pour nous éclairer.
À l’occasion de la mise en valeur des chauves-souris dans le cadre de l'opération " Charity Pot " avec LUSH France, nous vous proposons une sélection d’articles issus de l’actualité scientifique sur la prédation des Chiroptères par le Chat domestique. Ce genre de donnée est particulièrement intéressant pour les scientifiques : n’hésitez donc pas à saisir les observations de chauves-souris rapportées par votre animal sur le portail et à décrire au mieux l’espèce concernée, voire à nous envoyer une photo !
** La prédation des chauves-souris par les chats à travers le monde
Les auteurs proposent une synthèse mondiale de l’impact de la prédation des chats domestiques sur les chauves-souris en croisant les informations issues de la littérature scientifique sur le régime alimentaire des chats (de propriétaires, errants mais aussi harets) avec la base de données de la Liste rouge de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN). Leur objectif : identifier les espèces concernées et évaluer dans quelle mesure les félins s’attaquent aux chiroptères.
Leurs résultats montrent que les îles sont particulièrement étudiées, de façon disproportionnée par rapport aux travaux menés sur les continents. Tous les habitats terrestres sont pourtant concernés par le sujet. Si la plupart des études peinent à identifier les chauves-souris prédatées jusqu’à l’espèce, lorsque c’était possible, il apparaît qu’environ 7 % des espèces de chauves-souris sont des proies des chats ou sont directement menacées par ces derniers. Dans les évaluations de la Liste rouge de l’UICN, un quart d’entre elles sont classées comme « quasi menacées » ou « menacées » (catégories de l’UICN : « En danger critique d’extinction », « En danger » ou « Vulnérable »).
Dans les études analysant le régime alimentaire des chats (par l’analyse d’excréments, d’estomacs et de tubes digestifs) la fréquence d’occurrence des chauves-souris dans les échantillons était en moyenne de 0.7 ± 2.1 % (moyenne ± écart-type ; n = 102), ce qui est peut paraître faible comparativement à la part que peuvent représenter les petits rongeurs ou les oiseaux. Cependant, compte tenu de la densité des chats et de leur présence dans tous les milieux terrestres, ainsi que de la petite taille des populations locales de certaines chauves-souris, même un faible pourcentage parmi les proies peut représenter un nombre considérable de chauves-souris tuées. Les auteurs notent même que la fréquence de chauves-souris dans les échantillons alimentaires des chats peut sous-estimer l'incidence des prédateurs tuant des chiroptères, si les chats tuent les chauves-souris mais ne les mangent pas… d’où l’importance de saisir les observations de proies rapportées par les chats.
En conclusion, la prédation exercée par les chats domestiques sur les chauves-souris, très probablement sous-estimée à l’échelle mondiale, s'ajoute à la longue liste de menaces affectant déjà ces mammifères fragiles.
La publication complète est à lire ici, ainsi que plus d’informations sur les chauves-souris françaises, avec la démarche à suivre si vous trouvez une chauve-souris blessée via le programme « SOS chauves-souris ».
** « La curiosité tua… la chauve-souris »
Cette étude italienne fait le constat que la plupart des synthèses sur la prédation des chats domestiques s’intéresse à l’impact sur les oiseaux et les micromammifères (petits rongeurs et insectivores). Mais qu’en est-il des chauves-souris ? Sont-elles souvent prédatées par les chats ? Pour tenter de répondre à cette question, les auteurs se sont appuyés sur des données de chauves-souris admises en centres de soins à la faune sauvage entre 2009 et 2011 dans le nord et le centre de l’Italie.
Ils ont constaté que la prédation par les chats était la première cause de sauvetage des chauves-souris dans la zone d'étude, représentant 28,7 % des données de chauves-souris adultes accueillies dans les centres de soins. Bien que la plupart des chauves-souris capturées par les chats appartenaient à des espèces anthropophiles, c’est-à-dire fréquentant les habitations humaines - comme les caves ou les greniers qu’elles utilisent comme gîtes de reproduction en été et d’hibernation en hiver – comme les pipistrelles, au moins 3 des 11 espèces prédatées étaient cavernicoles et forestières. La prédation touchait plus fréquemment les adultes que les jeunes, et en particulier les femelles adultes en été et menaçait ainsi les colonies reproductrices, souvent soumises à des prédations répétées. Les prédations étaient également plus abondantes dans les zones rurales et urbaines clairsemées, où les chats sont plus souvent autorisés à rester à l'extérieur que dans les zones urbaines denses, comme le confirment les résultats d'une enquête menée en parallèle auprès des propriétaires de chats. En tant que mammifères explorateurs, les chats peuvent être facilement attirés dans les gîtes de chauves-souris par des signaux sensoriels impliquant le son émis par les chauves-souris (les félins sont en effet capables d’entendre des sons entre 48 et 85 000 Hz et donc la plupart des écholocations de chauves-souris !), l'odeur des fientes accumulées à proximité des gîtes ou l'observation de chauves-souris volant à leur entrée.
Cette analyse suggère que la menace que représente les chats domestiques pour les chauves-souris peut être importante et devrait être soigneusement prise en compte dans les plans de conservation visant ces espèces. Les stratégies visant à atténuer cet impact incluent notamment la protection des accès aux gîtes de chauves-souris chez les particuliers qui possèdent des chats… L’efficacité des colliers à clochettes pour réduire la prédation sur les chauves-souris, par exemple en retardant leur sortie de gîte lorsque le prédateur est à proximité, doit encore être testée. Cette problématique sera traitée plus en détails dans un prochain Mammifères sauvages.